Rien comme un french bien senti. En tout cas, voilà la conclusion qu’on peut assurément tirer après les dernières semaines sur la Colline parlementaire fédérale – Justin Trudeau n’a pas hésité à embrasser la défaite à pleine bouche.
Trudeau fils claque la porte de la chefferie des Libéraux pour de bon.


À la suite de plusieurs mois d’incertitude politique quant à la candidature du premier ministre sortant aux prochaines élections – bien que de nombreux politologues soutiennent que l’issue, finalement scellée le 6 janvier dernier, ne faisait aucun doute — Trudeau fils claque la porte de la chefferie des Libéraux pour de bon.
Oui, « claquer la porte » est probablement un peu trop assertif pour ce qui s’est déroulé. Cependant, cela sonne mieux que « s’agripper à la poignée de porte des deux mains alors qu’on le poussait dehors à coups de balais et de pieds en arrière des genoux ». Après tout, dès le mois d’octobre, plusieurs députés libéraux avaient demandé la démission de Trudeau (1). Vu son refus catégorique à ce moment, une vague de démissions massives de candidat.es annonçant ne pas se représenter sous la bannière libérale en octobre prochain s’est ensuivie (2). Le tout a culminé en la sortie flamboyante de la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland, via une lettre cinglante publiée sur ses réseaux sociaux à quelques heures près de la mise à jour économique annuelle (3). Sa démission fut, indubitablement, le coup de hache décisif.
Le mois de décembre a été marqué par les appels incessants du caucus libéral en faveur d’un nouveau chef. Au dernier jour de 2024, les sondages de la firme Angus Reid indiquaient que le PLC était plus impopulaire que jamais. Arborant un taux d’approbation dans les plus faibles de son histoire, plafonnant à seulement 16 % (4), ce résultat exécrable a témoigné – et ce, sans équivoque – de la pression s’étant considérablement accrue quant à l’attente d’une démission inévitable de Justin Trudeau.
En attendant patiemment l’élection de la nouvelle tête du Parti libéral, comment expliquer cette crise politique?
D’abord, sans ignorer « ces hommes politiques qui ne lâchent pas le morceau » (5), pour reprendre les mots de Martine Delvaux, ni écarter la thèse évidente de l’usure du pouvoir après une décennie de résidence au 24 Sussex Drive, il importe tout de même d’analyser un contexte socio-économique plus large. À l’international, il est possible d’observer plusieurs gouvernements occidentaux qui semblent avoir balancé à droite sur l’échiquier politique de façon hâtive. La pandémie, avec ses mesures sanitaires ralentissant la chaîne d’approvisionnement mondiale et surchargeant l’inflation tenace qui en a découlé, est un facteur parmi tant d’autres pouvant rationaliser le taux croissant d’élections-exutoires des titulaires du pouvoir et de gouvernements excessivement précaires.
Ceci étant soulevé d’office, un bémol doit être placé sur un symptôme corollaire de cette vague de gouvernements conservateurs et austères accédant aux commandes des États du free world. L’attitude pernicieuse actuelle, visant à fomenter les discours ou actions repoussant un progressisme perçu comme « extrémiste » au profit d’un retour aux rôles traditionnels dans les mœurs sociales, est bel et bien présente et vivante. Cette variable mérite indéniablement d’être considérée comme une source explicative partielle. Du moins, minimalement pour nos voisins du sud et nous-mêmes. (À titre indicatif, je mentionnerai les propos de Mark Zuckerberg tenus lors de la première semaine de janvier concernant les plateformes Meta (6) ainsi que l’administration de cette compagnie (7). De plus, il y a la montée en force de l’influence muskienne à la Maison-Blanche et à Mar-a-Lago... bref, pardonnez-moi cet aparté, car ces phénomènes ne sauraient être passés sous silence.)
Pourquoi s’attarder à cette montée du machisme? Parce qu’elle influence directement le style de leadership désiré, de façon directe ou oblique. Après tout, le charmant Justin incarnait des valeurs nouvelles et inspirantes lors de son élection en 2015, symbolisant alors une jeunesse optimiste... Au sein de ces postulats sous-jacents à ses promesses électorales populaires, on compte le féminisme, la réconciliation autochtones-allochtones, une vue positive de l’immigration et du Canada comme terre d’accueil, etc. Bien que moult positions autrefois promues par le biais de ses campagnes et apparences publiques ont été révisées depuis, ou même carrément ignorées, force est d’admettre que cette dorure progressiste ne joue plus en sa faveur comme autrefois. Simulacre bien apposé ou non, les électeur.ice.s ne semblent pas se contenter de valeurs sociales et de promesses de meilleurs filets sociaux pour orienter leur choix politique en 2025; même avec sa promesse d’un chèque de 250$ à chaque citoyen.ne canadien.ne, Trudeau ne charme désormais plus les masses comme il en était capable jadis. Il faut bien le dire, il faut bien l’affirmer franchement : la déconnexion des Libéraux au Parlement avec la réalité générale des Canadien.ne.s est un clou définitif dans son cercueil, il ne peut en être autrement.
Hormis des prouesses éculées, l’état économique du pays et la frustration stagnante persistante au sein de la population générale, une dernière explication plausible mérite d’être explorée afin de fidèlement mettre en lumière les lacunes du leadership trudeauïien. Les multiples ingérences de l’État fédéral dans les affaires provinciales, notamment en matière de laïcité et d’immigration, ont contribué à l’écœurantite aiguë de manière plus que négligeable, et ce, sans compter la baisse de certains montants associés aux transferts fédéraux.
Aujourd’hui, plusieurs se présentent à la course à la succession de Trudeau, dont Chrystia Freeland, Mark Carney et Frank Baylis, pour n’en nommer que quelques-un.e.s. Selon Radio-Canada, la réponse sera donnée le 9 mars 2025. D’ici là, autant bien espérer que les autres leaders auront fait leurs devoirs et étudié la chute du gouvernement Trudeau afin de ne pas couler leur propre bateau et embrasser le sol à leur tour.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2114480/caucus-liberal-deputes-mutins-depart-justin-trudeau
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2132421/election-federale-candidature-liberale-recrutement
https://angusreid.org/liberals-prime-minister-trudeau-resign-election-2025-poilievre-singh/
https://abcnews.go.com/US/why-did-meta-remove-fact-checkers-experts-explain/story?id=117417445