Pédagogie & enseignement: Une entrevue avec la professeure adjointe Shana Chaffai-Parent
Auteur·e·s
Danny Al-Mashhoor
Publié le :
29 novembre 2024
La professeure adjointe Shana Chaffai-Parent fait partie du corps professoral de la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Son champ d’expertise est le droit judiciaire. Pour mettre en valeur les femmes de notre Faculté, je me suis entretenu avec elle au sujet de la pédagogie et de l’enseignement.
Avant d’entamer son baccalauréat en droit à la Faculté de droit de l’Université Laval, la professeure adjointe a toujours eu des intérêts variés, notamment le journalisme : « Moi, j’ai toujours eu le rêve d’être journaliste […], parce que je m’intéressais à plusieurs questions de justice sociale et je m’intéressais aussi, de manière générale, au monde des affaires et à l’idée de faire des projets ou de créer quelque chose. »
Également, la professeure Chaffai-Parent a occupé le rôle de Rédactrice en chef du journal étudiant de sa Faculté.
Chacun doit développer sa méthode par rapport à sa manière de faire. Moi, je trouve qu’on ne peut pas faire un examen si on n’a pas une feuille de papier et un crayon pour écrire à côté un brouillon de ses réponses, pas d’écrire des mots, mais faire un plan.
Genèse d’un intérêt pour la pédagogie :
C’est sur les bancs d’école que l’intérêt de la professeure de droit à l’égard de la pédagogie est né : « Moi, ça m’a beaucoup amusé de réfléchir à des méthodes d’études pour chacun de mes cours. J’étudiais différemment pour les différentes matières. C’est très certainement une chose qui a éveillé mon intérêt pour la pédagogie, parce que chaque matière à ses spécificités en droit. »
La professeure Chaffai-Parent a suivi cinq cours lors de la première session de son baccalauréat, dont quatre se sont très bien déroulés. Cependant, un cours s’est avéré plus difficile pour cette experte en droit judiciaire. Cette expérience, loin d’être un frein, a servi de moteur de motivation tout au long de son parcours académique et professionnel :
« Cet intérêt pour la manière d’étudier a commencé à ma première session où j’avais cinq cours. J’ai très bien réussi quatre des cinq. Il y a un cours, pour une raison que j’ignore, qui ne fonctionnait pas. Ça m’a motivé à comprendre : qu’est-ce que je pourrais faire pour m’améliorer? Parce que j’avais travaillé super fort dans ce cours-là, mais visiblement, mon problème, ce n’est pas que je ne travaillais pas fort. C’est que je ne savais pas comment faire pour me surpasser. Donc, je me suis mis à essayer des choses. Ça c’était nécessaire. »
En effet, la professeure de droit a expérimenté plusieurs stratégies dans le but d’atteindre une meilleure performance : « J’essayais de prendre chaque bribe d’information qui était donnée par les professeur.es, par exemple le rapport avec la doctrine et avec la jurisprudence. J’essayais de voir dans leurs discours, les termes, les notions qui revenaient souvent pour comprendre un peu le schème de pensée de la personne qui allait corriger ma copie. »
Enseignement :
Son intérêt pour la pédagogie l’a conduit à exercer divers rôles axés sur le partage, notamment en s’impliquant dans le tutorat et le mentorat. C’est dans cette perspective que la professeure Chaffai-Parent envisage l’enseignement : « J’ai toujours eu un intérêt pour faire les choses le plus correctement et le plus efficacement possible. Donc, la pédagogie, pour moi, c’est comment faire l’enseignement correctement. »
D’emblée, la professeure de droit m’a expliqué que les professeur.es de l’université n’ont pas de formation théorique obligatoire sur la pédagogie. La professeure apporte la nuance suivante : « On n’a pas de base théorique sur la pédagogie, ceci étant dit, que ça soit moi ou les autres collègues professeurs à la Faculté, tout le monde s’intéresse à la pédagogie et à améliorer sa manière d’enseigner. »
L’experte en droit judiciaire m’explique que bien qu’elle ait adoré l’enseignement très théorique et les cours essentiellement magistraux de trois heures, elle s’est rendu compte avec l’expérience que ce n’est pas tout le monde qui apprend de la même manière. Dès lors, elle essaie de tenir compte de cette réalité dans son enseignement.
En effet, elle m’explique que bien qu’il y ait des facteurs qui influent sur le choix des activités d’enseignement et les méthodes d’évaluation, notamment le nombre d’élèves dans un cours, elle demeure ouverte à essayer de varier les activités d’enseignement.
En ce qui a trait aux activités pédagogiques, par exemple, à la session d’automne 2024, la professeure de droit a amené une partie de ses élèves à faire une visite de la Cour d’appel du Québec. Les élèves qui étaient intéressés à participer devaient s’inscrire par le biais d’un formulaire pour procéder à cette visite.
Elle explique que cette activité a permis aux personnes étudiantes de voir les principes directeurs de l’instance civile à l’œuvre. Cette visite a également apporté un aspect pratique à l’étude de la procédure civile.
Conseils d’études :
La professeure Chaffai-Parent a partagé des conseils d’études très concrets qu’elle a utilisés lorsqu’elle était étudiante. Elle tient à préciser que ce qu'elle partage sont des méthodes d’études qui ont fonctionnées pour elle. Elle invite chaque étudiant.e à trouver ce qui fonctionne pour sa propre personne.
Dans un premier temps, pour chacune des séances de chaque cours qu’elle a suivi, elle a identifié les concepts étudiés en cours. Suite à cela, elle a créé son premier outil d’étude, soit un index de concepts. Dans ce document, elle a indiqué les pages où se retrouvent les concepts pour faciliter leur repérage dans une situation d’examen.
Dans un deuxième temps, la professeure Chaffai-Parent a créé son deuxième outil d’étude, soit un tableau de jurisprudence pour chaque matière où elle a résumé approximativement, en une ligne, le droit illustré par la décision en question.
Elle explique que cet exercice de synthèse favorise la capacité à cibler l’essentiel pour extraire les explications supplémentaires apportées par la jurisprudence : « On a le droit. La jurisprudence vient préciser la manière d’appliquer le droit. Donc, quand les professeur.es nous enseignent des décisions, chacune de ces décisions ajoutent une, deux, trois choses à la règle de droit. »
Dans un troisième temps, la professeure explique que la gestion du travail lors de l’examen est importante:
« Chacun doit développer sa méthode par rapport à sa manière de faire. Moi, je trouve qu’on ne peut pas faire un examen si on n’a pas une feuille de papier et un crayon pour écrire à côté un brouillon de ses réponses, pas d’écrire des mots, mais faire un plan. De dire : quelle est la réponse à la question? Quel article s’applique? Quelle décision s’applique, s’il y a lieu? Quels sont les faits du problème que je vais réutiliser? »
Plus spécifiquement, par rapport au droit de la procédure, la professeure Chaffai-Parent est d’avis qu’il « est fondamental de lire les articles avant le cours et de les relire. Une seule lecture n’est pas suffisante. » Par exemple, en ce qui a trait à l’article 72 du Code de procédure civile du Québec codifiant les pouvoirs du greffier spécial, la professeure conseille de faire ou d’analyser des schémas déjà faits à ce sujet.
Le droit à l’erreur :
Pour conclure l’entrevue, elle a délivré un message d’espoir, mettant de l’avant l’importance du droit à l’erreur :
« Du point de vue plus prospectif, je comprends que le baccalauréat en droit c’est plus stressant, c’est un lieu où, pour toutes sortes de raisons, il y a une anxiété qui peut être présente. On est face à des étudiants qui sont tous performants, qui sont bons, peu importe le classement des notes. Si vous êtes là, c’est parce que vous êtes super bons. Vous êtes brillants. Et puis, c’est dommage que l’université soit un lieu où les étudiants sentent qu’ils n’ont pas le droit à l’erreur. Et puis, pour moi, c’est la plus grande critique que je pourrai faire. Et je ne veux pas faire cette critique à l’Université de Montréal ou à notre Faculté, parce que c’est sociétal. Cela dépasse les murs de l’Université de Montréal. C’est cette espèce de climat qui existe dans le milieu juridique, dans le milieu universitaire et dans le milieu de la performance. Je pense que les étudiants qui arrivent l’ont même vécu au secondaire et au cégep. […] [Je] constate qu’il n’y a plus de place dans notre société à l’erreur. Et s’il y a une place où on devrait avoir le droit de faire des erreurs, de se rattraper, de se relever et d’apprendre de ces erreurs-là, c’est l’université. »
La professeure Chaffai-Parent exprime la réflexion suivante : « Je me rends compte que ce cours où j’ai eu une mauvaise note a eu beaucoup plus d’influence sur mon parcours que les cours où j’ai bien réussi finalement. C’est dans ce cours que j’ai commencé à me dire qu’il faut que je fasse quelque chose et je réfléchisse à comment faire pour réussir. »
Ainsi, il est important de ne pas perdre de vue que « [c]’est à travers l’adversité qu’on apprend des choses finalement » tel que l’a affirmé la professeure Chaffai-Parent.