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L’improbable histoire de l’intersection du vote des femmes avec le vélo

Auteur·e·s

Michael Kowalsky

Publié le :

29 novembre 2024

Savez-vous que la croissance en popularité du vélo coïncide avec l’obtention du droit de vote des femmes au début du vingtième siècle ? Attachez-vos casques : on part en balade sur le chemin battu par les féministes de la première vague.

Que vos lumières soient vertes ! Aux urnes, citoyennes !

La première bicyclette de sécurité est apparue dans les années 1880. Cette merveilleuse invention a rapidement été adoptée par ceux et celles qui souhaitaient se doter d’un moyen de transport moins coûteux qu’un cheval – lequel avait besoin d’entretien constant comme la nourriture, un abri et des visites dispendieuses au vétérinaire. Au tournant des années 1880, le vélo s'annonce donc comme l’option la moins chère et la moins compliquée. De plus, contrairement aux calèches de l’époque, ce moyen de déplacement était aussi accessible aux femmes qui n’avaient pas le droit de posséder un permis. Seules les femmes les plus riches pouvaient se déplacer dans des endroits éloignés avec une calèche et un chauffeur privé. Le vélo est donc arrivé comme une amélioration. Effectivement, les femmes n'ont pas besoin de permis pour monter une bicyclette. Cette échappatoire a permis aux femmes bourgeoises de se rencontrer et d'organiser leur mouvement afin d’obtenir le scrutin. Et qu'en est-il des femmes de classes plus modestes, vous demandez-vous peut-être? Pas si simple de le savoir, comme vous le verrez en lisant davantage cette chronique.


Au tournant du vingtième siècle, la campagne du scrutin commence à se cristalliser et à rayonner. Les Néo-Zélandaises ont eu le droit de vote en 1893, en 1918 pour les Britanniques, en 1917 pour les femmes russes (avant que les élections soient éliminées lors de l'éventuelle Union soviétique) et les Françaises en 1944. La Loi des élections en temps de guerre de septembre 1917 a permis aux Canadiennes de voter si elles avaient un lien avec l'armée, soit comme veuve d'un militaire, sœur ou fille d’un soldat, ou encore, si elles étaient infirmières de guerre. La plupart des Canadiennes ont reçu le droit de vote aux élections fédérales en mai 1918. Malheureusement, même si les Québécoises ont gagné le scrutin aux élections fédérales en 1918, le vote aux élections provinciales n’est pas arrivé avant 1940. À titre d’information, au Canada, les Autochtones résidant sur des réserves (homme ou femme) ont obtenu le vote qu’en 1969. En 1978, les magistrats ont reçu le droit de vote et une année plus tard, le feu vert a été donné aux gens incarcérés qu’ils pourraient voter. Nous témoignons en 2024 que des abus rétrogrades des droits des femmes dans des pays comme l'Arabie saoudite ou l’Afghanistan persistent. Personne ne peut nier l’importance d’inclure la voix de tous les gens affectés par des  décisions clés comme durant des élections. Le suffrage universel est un concept archi-primordial.


Si on retourne à bicyclette, la mode des vêtements à l’époque victorienne restreignait les femmes : des corsets et des jupes avec de grandes cages pour garder la forme. Les femmes ont créé un mouvement pour « l’habillement rationnel », c'est-à-dire des vêtements plus sécuritaires et confortables afin de chevaucher un vélo. Les robes se sont écourtées et les femmes ont également porté des pantalons et des shorts – ces nouveaux vêtements ont provoqué une onde de choc publique. Comment osaient-elles porter de tels vêtements si scandaleux ?


Ces femmes bourgeoises, qui n’avaient pas besoin de travailler en usine pour gagner leur vie, avaient les après-midi libres pour fréquenter les salons de thé sans chaperon afin de discuter des problématiques du jour, telles que l’ivresse publique, le travail insalubre et le plus important : le vote des femmes. Les regroupements de femmes « suffragettes » ont écrit, publié et distribué des tracts à vélo qui ont promu leur campagne. Leur mouvement est devenu de plus en plus populaire grâce à la bicyclette.


Certaines grandes féministes ont déclaré que la bicyclette était non seulement un moyen de transport efficace, mais surtout un outil incontournable pour l’émancipation des femmes. Permettant d'échapper à la vie domestique, le vélo a bousculé la division patriarcale entre les sphères du privé et du public, comme celle de la domestique et du pourvoyeur. Les rôles des genres ont virevolté avec l’introduction de la possibilité de se déplacer plus loin, plus vite et sans supervision oppressive.


Encore aujourd’hui, les femmes en vélo peuvent rencontrer des soucis en ville comme le harcèlement de rue, la difficulté d’accès à des composantes ergonomiques et le sexisme macho dans les garages à vélos, entre autres. Heureusement, il y a des boutiques de vélo gérées par des femmes qui sont plus accueillantes et la plupart des coopératives de réparation ont des soirées pour femmes et des personnes nonbinaires. Ces endroits sécurisants pour la diversité de genre permettant d'échanger sur les expériences à vélo représentent des lieux de partage de sagesse importants pour de nombreuses cyclistes.

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Je reconnais le fait que je vous raconte cette histoire et que je suis un homme et non pas une femme. J’ai lutté avec plusieurs idées en écrivant ce récit. Un défi que j’ai trouvé en examinant la documentation qui a balisé cet article, c'est que plusieurs écrivains ont trop concentré leurs études sur les exploits personnels de certaines grandes figures comme Emmeline Pankhurst, Francis Willard ou Elizabeth Cady Stanton. Il s'agissait de faits vécus tirés des mémoires des gens qui avaient le temps libre d’écrire et non pas sur les grandes lignes de l’histoire. C’était difficile à ficeler ensemble. J’ai même sollicité l’aide d’un professeur universitaire spécialisé en histoire. Il m’a avoué, effectivement, que j’ai choisi un sujet où il y a peu de matériel écrit, soit les expériences des femmes ouvrières pendant la bataille du suffrage. Peut-être devrions-nous encourager nos jeunes sœurs, nièces et filles à devenir historiennes afin de résoudre les énigmes inconnues qui préoccupent les disciplines du féminisme et de l'histoire. En terminant, je vous laisse avec une citation de l’activiste féministe américaine Susan B. Anthony :


« Je crois que le cyclisme a plus participé à l’émancipation des femmes que quoi que ce soit d’autre au monde. La bicyclette donne aux femmes une impression de liberté et d’auto-suffisance. Je me réjouis à chaque fois que je vois une femme à vélo… l’image même d’une féminité libre et sans entraves. »


Que vos lumières soient vertes ! Aux urnes, citoyennes !

1. Bonnell, Marilyn, « The power of the pedal: The bicycle and the turn-of-the-century woman », (1990) 14:2 Nineteenth Century Contexts 215-239.

2. Strange, Lisa S., « The Bicycle, Women’s Right, and Elizabeth Cady Stanton », (2002) 31:5 Women’s Studies 609-626.

3. Blue, Elly & April Streeter (éd), Our bodies, our bikes, Portland (OR), Microcosm, 2015.

4. Chappell, Emily, What goes around: a London cycle courier’s story, Londres, Guardian, 2016.

5. Macy, Sue, Wheels of Change: How women rode the bicycle to freedom (with a few flat tires along the way), Washington DC, National Geographic, 2011.

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