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Boss qui bécotent : les rapprochements politiques de 2024

Auteur·e·s

Myriam Coderre

Publié le :

14 février 2025

L’année 2024 a été riche en émotions. Entre Trudeau, largué à la fois par son cabinet et la majorité de la population canadienne, et l’Europe, qui s’est amourachée de l’extrême droite, les politiciens du monde entier ont fait couler beaucoup d’encre, pour le meilleur et souvent pour le pire. À l’occasion de la Saint-Valentin, voici un retour sur certains couples diplomatiques qui ont fait sensation ces 12 derniers mois. 

Qu’on aime la politique ou non, on ne peut nier que les politiciens ont un certain don pour nous divertir. L’amour, dans tout son mystère, rejoint la politique à plusieurs égards : il est inattendu, intense et, bien souvent, fragile.

Les nouveaux amants oligarchiques : Elon Musk et Donald Trump

Si la joute politique de 2024 était une saison d’Occupation Double, c’est sans doute eux qui remporteraient un chalet dans les Laurentides et un abonnement de gym. Les balbutiements de cette histoire d’amour entre ces deux milliardaires ont officiellement vu le jour le 12 novembre, alors que le président américain fraîchement réélu a annoncé que le propriétaire de Tesla serait à la tête d’un nouveau ministère de l’Efficacité gouvernementale aux côtés de l’ancien candidat républicain à la présidence, Vivek Ramaswamy.


Mais le flirt avait débuté bien avant l’élection présidentielle. Certains estiment que les premiers échanges de regards entre Trump et Musk remontent aux années COVID. Musk a utilisé ses réseaux sociaux pour contester les mesures gouvernementales, notamment les quarantaines dans l’État de la Californie qu’il a qualifiées de « fascistes ». De plus, sa croisade contre les mouvements prônant l’identité de genre lui a valu un appui de la masse républicaine. Dénigrant ces idées en disant qu’elles découlent du woke-mind virus, l’homme le plus riche du monde a souvent accusé les démocrates de forcer des valeurs progressistes au peuple américain, qu’il considère une forme moderne de communisme.


Les régulations de contenu sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, ont également fait réagir l’homme d’affaires sud-africain, provoquant son désir d’acheter le média social pour en faire une sphère de liberté d’expression des plus absolues. En 2022, il acquiert donc Twitter (devenu X) et réinstaure les comptes bannis de personnalités comme Alex Jones, Andrew Tate et son bien-aimé Donald Trump, au nom de la liberté d’expression… ou du moins, de sa version de celle-ci. Le président, connu pour ses positions tranchées sur la défense des droits constitutionnels des Américains, a saisi cette opportunité pour défendre le droit à la liberté d’expression des citoyen.nes américains. Il a transformé X  en un  redoutable outil de propagande.


Le coup de foudre a été officialisé par Musk envers le président de la Maison-Blanche en juillet 2024, dans un post sur X lui conférant son soutien total pour sa campagne. À partir de ce moment, les publications de soutien se sont multipliées, parfois allant jusqu’à des centaines par jour. Musk n’a pas joué une seule seconde la carte du hard-to-get.


Grand séducteur, Musk a ensuite financé à coup de 180 millions USD$ la campagne électorale du candidat orange. Si on dit que l’amour est aveugle, on peut dire que dans ce cas-ci, il a une odeur bien singulière : celle de l’argent. Cette étrange bromance alliant showbiz et politique risque de devenir explosive. Allant de la colonisation du Canada et de la planète Mars, ce ne sont pas les projets qui manquent à ce nouveau couple filant la parfaite lune de miel. Espérons seulement qu’ils n'embrasent pas le monde entier dans la chaleur de leur amour.


Les époux de longue date : Vladimir Poutine et Bachar Al-Assad

S’il y a un point qui unit Vladimir Poutine et Bachar Al-Assad, c’est bien leur mépris pour la démocratie et le droit international. Peu importe les sanctions politiques, ce couple inséparable se tient fermement la main, uni envers et contre tous. Leur alliance, rare en politique, repose sur une fidélité indéfectible. Malgré les nombreux conflits et toutes les résolutions de l’ONU qui tentent de les séparer, ce duo solide semble résister à chaque épreuve.


Ce mariage politique remonte aux années 1970, lorsque Hafez Al-Assad, père du président syrien récemment déchu, a ancré solidement la Syrie dans la sphère d’influence soviétique. Des décennies de coopération ont cristallisé la relation solide entre les deux États. En 2015, l’engagement militaire massif de Poutine impliquant l’envoi de milliers de troupes a véritablement sauvé le régime vacillant de l’ancien dictateur. Pour Moscou, cet engagement militaire représentait une opportunité stratégique pour renforcer son influence au Moyen-Orient, tout en repoussant les ambitions européennes et américaines dans la région.


La plus récente démonstration de leur complicité remonte à décembre 2024. Après 14 ans de guerre civile, le régime d’Assad, longtemps perçu comme le symbole de résistance aux révoltes du printemps arabe, a finalement mordu la poussière le 8 décembre. Quelques heures après que les rebelles syriens eurent pris le contrôle de la capitale, Assad a filé à l’anglaise… ou plutôt à la russe. Effectivement, Poutine a volé au secours de son ami en lui accordant l’exil, le sortant d’affaire une fois de plus. L’opération, orchestrée par les services secrets russes, était une initiative personnelle de Poutine, selon les médias russes.


À la manière d’un couple parfait sur les réseaux sociaux, Assad et Poutine affichent une relation idyllique qui rendrait vertes de jalousie les autres nations. Échanges de cadeaux extravagants (des milliers de soldats déployés en Syrie, invitation au fils d’Assad de venir étudier dans la prestigieuse université russe MGIMO, etc.) et sourires complices devant les caméras… De quoi penser qu’ils sont les « Bonnie and Clyde » de la géopolitique. Toutefois, il ne faut pas s’y méprendre. Tout comme les réseaux sociaux, les relations diplomatiques camouflent bien souvent une réalité moins rose derrière les portes closes. En effet, certaines disputes, habilement dissimulées au public, ont provoqué des tensions. Comme quoi aucun couple, aussi parfait semble-t-il être, n’est à l’abri des turbulences.


Depuis longtemps alliés à la Russie, les Syriens devront désormais naviguer dans des relations diplomatiques tendues avec elle. Dans une période trouble où Poutine se prépare à l’arrivée de Trump et aux répercussions possibles sur la guerre en Ukraine, le président russe se trouve certainement affaibli par la perte de son unique allié au Moyen-Orient. Il est difficile de prévoir si le président du Kremlin fera preuve de flexibilité avec les nouveaux leaders syriens, ou s’il adoptera une position encore plus intransigeante pour éviter de paraître faible sur la scène internationale.


Ce couple de longue date fait face à l’épreuve du temps. Les guerres, les conflits et les jeux d’alliance se sont invités dans leur mariage et seul l’avenir révèlera si leur relation continuera sur une mer tranquille ou si une rupture amère entachera 50 ans de complicité.


Les premiers sourires : Javier Milei et Giorgia Meloni

Le président argentin, Javier Milei, un économiste libertarien célèbre pour avoir brandi fièrement sa symbolique tronçonneuse, n’a pas tardé à se rapprocher de Giorgia Meloni, première ministre italienne à la tête d’un parti populiste aux origines néofascistes mussoliniennes. Ayant tous deux assisté à l’investiture de Trump au Capitole le 20 janvier dernier, ils sont des âmes sœurs politiques, notamment en matière d’immigration et de défense de l’Occident.


Arrivée au pouvoir en 2022, un an avant son homologue argentin, la femme d’État italienne a payé sa première visite bilatérale en Amérique latine dans le pays de Milei en novembre 2024. Conformément aux usages du jeu amoureux, le président argentin ne s’est pas présenté les mains vides à ce premier rendez-vous. Arborant un sourire espiègle, il a offert un cadeau inédit à sa visiteuse : une figurine de lui-même tenant sa tronçonneuse. Si ce geste teinté de narcissisme ne saurait charmer tout le monde, il semble que Meloni n’a pas été rebutée par ce curieux présent.

Milei n’est toutefois pas en reste. Après avoir reçu son cadeau, Meloni, qui elle aussi connaît les codes de la courtoisie, a rendu la pareille à son acolyte lors d’une visite du président à Rome au mois de décembre dernier. Cette dernière a offert la citoyenneté à son ami américain. Milei se revendique à 75 % italien grâce à ses racines calabraises, ses grands-parents ayant émigré en Argentine en 1926 depuis l’Italie.


Cette caresse diplomatique n’a pas manqué de susciter des critiques à l’encontre de la première ministre italienne. La législation italienne actuelle exige que les étrangers résident en Italie pendant dix ans avant de pouvoir demander la citoyenneté. Même les enfants nés en Italie de parents étrangers doivent attendre leurs 18 ans pour faire une demande. Des organisations comme Oxfam Italia plaident en faveur d’une réduction de la période d’attente afin de l’aligner sur celle d’autres pays de l’Union européenne, comme la France ou l’Allemagne. Le gouvernement d'extrême droite s'est toutefois montré inflexible à toute modification de cette législation, fidèle à ses principes.


Si l’alliance entre Javier Milei et Giorgia Meloni est encore en gestation, elle suscite déjà beaucoup de réactions. Entre charme politique et intérêts communs, leurs rapprochements pourraient attiser un tourbillon de passions idéologiques radicales menaçant la quiétude de la diplomatie internationale.


Les vieux amis réconciliés : Brian Mulroney et Lucien Bouchard

Le Canada est aussi un terreau fertile pour faire germer des relations significatives. On ne peut parler des relations politiques de 2024 sans aborder la réconciliation inespérée de Lucien Bouchard, premier ministre du Parti québécois de 1996 à 2001, et de Brian Mulroney, premier ministre canadien progressiste-conservateur de 1984 à 1993. Le décès de Mulroney en février 2024 a remis en lumière l’amitié tumultueuse qui liait ces deux monuments de l’histoire politique canadienne.


C’est à la faculté de droit de l’Université Laval, au début des années 1960, que Mulroney et Bouchard ont vu naître leur amitié. Mulroney, engagé dans l’association étudiante, et Bouchard, impliqué dans le journal étudiant, ont tissé des liens solides qui ont influencé leur parcours politique et personnel.


Malgré leurs divergences d’idées, les deux hommes ont travaillé en étroite collaboration pendant plusieurs années. Bouchard, connu pour sa plume éloquente, a souvent été sollicité par Mulroney pour rédiger ses discours, dont le célèbre discours de Sept-Îles, où ce dernier a fait la promesse d’inclure le Québec dans la fédération. Cette collaboration a longtemps symbolisé le désir de bâtir un pont entre des visions divergentes du Canada.


L’échec de l’accord du lac Meech, qui visait à reconnaître le Québec comme une société distincte, a donné le coup de grâce à la relation entre les deux avocats. Devant les pressions des provinces opposées à la ratification de l’accord, Mulroney a présenté le rapport du comité présidé par Charest, proposant des modifications affaiblissant plusieurs aspects de la notion de « société distincte », constituant un nouveau revers pour le Québec après les difficultés liées à la constitution de 1982. L’accord a finalement été rejeté le 22 juin 1990.


C’est le 21 mai 1990 que Lucien Bouchard, alors ministre de l’Environnement dans le cabinet de Mulroney, claque la porte en constatant que l’échec de l’accord était désormais inévitable. Cette démission a eu l’effet d’une bombe à la Chambre des communes et a ouvert la voie à une nouvelle ère de lutte pour l’indépendance du Québec avec la création du Bloc québécois.


Peu de temps après le décès de Mulroney, Lucien Bouchard a révélé en entrevue que, depuis les deux dernières années, les choses commençaient à se rétablir entre les deux. C’est surtout six mois avant son décès qu’ils se sont retrouvés et que leur amitié a repris toute sa force, effaçant les années de différends et de distance.


Après plus de trois décennies de froid, ces deux géants ont donné une belle leçon d’humilité en renouant leur amitié, prouvant que peu importe la profondeur de la fracture, l’amour peut guérir toutes les blessures.


Qu’on aime la politique ou non, on ne peut nier que les politiciens ont un certain don pour nous divertir. L’amour, dans tout son mystère, rejoint la politique à plusieurs égards : il est inattendu, intense et, bien souvent, fragile.


Que cette année 2025 soit l’occasion de bâtir des relations plus harmonieuses et que l’amour prenne encore plus de place!

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